2015
Un été chez grand-tante Rose
Novembre 2015


Un été chez grand-tante Rose

Je prie pour que, tandis que vous avancez sur votre chemin lumineux de disciple, la foi vous fortifie à chaque pas.

Mes sœurs bien-aimées et chères amies, je suis ravi d’être ici avec vous, et je suis reconnaissant d’être en présence de notre cher prophète, le président Monson. Président, nous vous aimons. Le décès de nos trois chers amis et véritables apôtres du Seigneur nous attriste beaucoup. Frère Packer, frère Perry et frère Scott nous manquent ; nous les aimons. Nous prions pour leur famille et leurs amis.

J’attends toujours avec impatience cette session de la conférence – la belle musique et les recommandations de nos sœurs inspirées font que l’Esprit se manifeste abondamment. Je suis une meilleure personne après avoir été en votre compagnie.

Tandis que je réfléchissais à ce que je vous dirais aujourd’hui, mes pensées se sont tournées vers la façon d’enseigner du Sauveur. Il est intéressant de savoir comment il a enseigné les vérités les plus sublimes avec des histoires simples. Ses paraboles permettaient aux disciples de recevoir les vérités non seulement dans leur esprit mais aussi dans leur cœur et de relier les principes éternels à leur vie quotidienne1. Notre cher président Monson est également un maître de l’enseignement au moyen d’expériences personnelles2.

Aujourd’hui, je vais moi aussi donner mon message en exprimant mes pensées et mes sentiments sous la forme d’une histoire. Je vous invite à écouter avec l’Esprit. Le Saint-Esprit vous aidera à trouver le message qui s’applique à vous dans cette parabole.

Grand-tante Rose

C’est l’histoire d’une fillette nommée Eva. Il y a deux choses importantes à savoir à propos d’Eva. D’abord, elle avait onze ans dans ce récit. Et ensuite, elle ne voulait à aucun prix aller vivre chez sa grand-tante Rose. Absolument pas. Sans façon.

Mais la mère d’Eva allait subir une opération qui exigerait une longue convalescence. Les parents d’Eva allaient donc l’envoyer passer l’été chez la grand-tante Rose.

Pour Eva, il y avait mille raisons pour lesquelles c’était une mauvaise idée. D’abord, cela l’éloignerait de sa mère. Elle quitterait aussi sa famille et ses amis. En plus, elle ne connaissait pas la grand-tante Rose. Elle se trouvait très bien là où elle était.

Mais aucune dispute ni bouderie ne put changer cette décision. Eva boucla sa valise et fit le long voyage jusqu’à la maison de sa tante en compagnie de son père.

Dès qu’elle entra dans la maison, elle la détesta.

Tout était si vieux ! Chaque centimètre était rempli de vieux livres, de bouteilles aux couleurs étranges, de bacs en plastique débordant de perles de verre, de nœuds et de boutons.

La tante Rose vivait seule ; elle ne s’était jamais mariée. L’autre habitant était un chat gris qui aimait trouver le perchoir le plus élevé dans chaque pièce et fixait tout ce qui était en-dessous comme un tigre affamé.

La maison elle-même semblait solitaire. Elle était en pleine campagne, où les habitations étaient éloignées les unes des autres. Personne de l’âge d’Eva ne vivait à moins de deux kilomètres. Cela donnait également à Eva un sentiment de solitude.

Au début, elle ne fit pas vraiment attention à la grand-tante Rose. Elle pensait surtout à sa mère. Quelquefois, elle restait éveillée la nuit et priait de toute son âme pour que sa mère aille bien. Et bien que cela ne se produisît pas immédiatement, elle eut le sentiment que Dieu veillait sur sa mère.

Finalement, elle apprit que l’opération s’était bien passée ; à présent, tout ce qu’il lui restait à faire, c’était de supporter cette vie jusqu’à la fin de l’été. Mais comme elle avait du mal à la supporter !

Maintenant qu’elle était rassurée au sujet sa mère, Eva remarqua la grand-tante Rose un peu plus. C’était une forte femme – tout était fort chez elle : sa voix, son sourire, sa personnalité. Elle se déplaçait difficilement, mais elle chantait et riait tout le temps en travaillant et ses rires emplissaient la maison. Tous les soirs, elle s’asseyait sur son canapé capitonné, sortait les Écritures et les lisait à haute voix. Tout en lisant, elle faisait des commentaires du genre « oh, il n’aurait pas dû le faire ! » ou « j’aurais tant voulu être là ! » ou « je n’ai jamais rien entendu d’aussi beau ! » Et chaque soir, quand elles s’agenouillaient toutes les deux près du lit d’Eva pour prier, la tante Rose faisait de très belles prières, remerciant notre Père céleste pour les geais bleus et les épinettes, les couchers de soleil et les étoiles et l’« émerveillement d’être en vie ». Il semblait à Eva que Rose connaissait Dieu comme un ami.

Avec le temps, la fillette fit une étonnante découverte : la tante Rose était probablement la personne la plus heureuse qu’elle ait jamais connue !

Mais comment était-ce possible ?

De quoi pouvait-elle bien être heureuse ?

Elle ne s’était jamais mariée, elle n’avait pas d’enfants, personne ne lui tenait compagnie sauf cet horrible chat et elle avait du mal à nouer les lacets de ses souliers et à monter les escaliers.

Quand elle allait en ville, elle mettait de grands chapeaux aux couleurs vives, qui faisaient honte à sa nièce. Mais les gens ne se moquaient pas d’elle. Ils s’attroupaient autour d’elle et voulaient lui parler. Rose avait été institutrice et il n’était pas rare que de ses anciens élèves, des adultes qui avaient eux-mêmes des enfants, s’arrêtent pour bavarder. Ils la remerciaient d’avoir eu une bonne influence sur eux. Ils riaient souvent. Parfois même, ils pleuraient.

Au fil de l’été, Eva passa de plus en plus de temps avec Rose. Elles faisaient de longues promenades et Eva apprit la différence entre les moineaux et les pinsons. Elle ramassait des baies de sureau et faisait de la confiture d’oranges. Elle apprit l’histoire de son arrière-arrière-grand-mère qui avait quitté son pays natal bien-aimé, et traversé l’océan et les plaines pour être avec les saints.

Eva fit rapidement une autre découverte : non seulement la tante Rose était l’une des personnes les plus heureuses qu’elle connaissait, mais elle était elle-même plus heureuse quand elle était en sa compagnie.

Les jours d’été passaient maintenant plus vite. Un jour, à brûle-pourpoint, la tante Rose lui dit qu’elle allait bientôt rentrer chez elle. Eva, qui avait attendu ce moment depuis son arrivée, n’était plus sûre de ce qu’elle ressentait. Elle se rendit compte que cette drôle de maison, avec son chat à l’affût et sa chère grand-tante Rose allaient lui manquer.

La veille du jour où son père allait venir la chercher, Eva posa la question qui la travaillait depuis des semaines : « Tante Rose, pourquoi es-tu aussi heureuse ? »

La tante Rose la regarda attentivement et la mena devant un tableau du salon. Il lui avait été donné par un ami cher et talentueux.

« Qu’est-ce que tu vois ici ? », demanda Rose.

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Une petite pionnière qui gambade

Eva avait remarqué ce tableau auparavant, mais elle ne l’avait jamais regardé de près. Une fillette portant une robe de pionnière gambadait sur un chemin d’un bleu éclatant. L’herbe et les arbres étaient d’un vert chatoyant. Eva lui dit : « Ce tableau représente une petite fille. Il me semble qu’elle gambade. »

« Oui, c’est une petite pionnière qui gambade joyeusement, dit la tante Rose. J’imagine que les pionniers ont vécu bien des jours difficiles. Ils avaient une vie très dure, nous ne pouvons même pas l’imaginer. Mais, dans ce tableau, tout est lumineux et plein d’espoir. Cette petite fille a le pas léger ; elle avance et progresse. »

Comme Eva gardait le silence, la tante Rose ajouta : « Il y a un tas de choses qui vont mal dans la vie et tout le monde peut se laisser aller au pessimisme et à la mélancolie. Mais je connais des gens qui, même quand les choses vont mal, se concentrent sur les merveilles et les miracles de la vie. Ces personnes sont les plus heureuses que je connaisse. »

« On ne peut appuyer sur un interrupteur et passer de la tristesse au bonheur », répondit Éva.

« Non, peut-être pas, dit la tante Rose en souriant, mais Dieu ne nous a pas créés pour que nous soyons tristes. Il nous a créés pour que nous ayons la joie3 ! Si nous lui faisons confiance, il nous aidera à remarquer le bon, le beau, ce qui donne de l’espoir dans la vie. Alors, c’est certain, le monde deviendra plus lumineux. Non, cela n’arrive pas instantanément, mais honnêtement, est-ce qu’il y a beaucoup de bonnes choses qui se produisent instantanément ? J’ai l’impression que les meilleures choses, comme le pain fait maison ou la confiture d’orange demandent de la patience et du travail. »

Eva réfléchit un moment et dit : « Ce n’est peut-être pas si simple pour les gens pour qui tout n’est pas parfait dans la vie. »

« Ma chère Eva, crois-tu vraiment que ma vie est parfaite ? » La tante Rose était assise avec Eva sur le canapé capitonné. « Il y a eu une époque où j’étais tellement déprimée que je n’avais plus envie de continuer. »

« Toi ? », demanda Eva.

Tante Rose acquiesça. « Il y avait tant de choses que j’aurais voulu avoir. » Il y avait une tristesse dans sa voix qu’Eva n’avait jamais entendue avant. « La plupart ne sont jamais arrivées. J’ai eu beaucoup de chagrins. Un jour, j’ai compris que ma vie ne serait jamais comme je l’aurais voulue. Je t’assure que c’était une journée déprimante. J’étais prête à abandonner et à me laisser aller à la dérive. »

« Qu’as-tu fait ? »

« Rien pendant quelque temps. J’étais seulement en colère. J’étais totalement insupportable. » Elle rit un peu, mais ce n’était pas son rire habituel, qui emplissait la pièce. « Je n’arrêtais pas de me répéter : ‘Ce n’est pas juste.’ Mais j’ai fini par découvrir quelque chose qui a complètement changé ma vie. »

« Qu’est-ce que c’était ? »

« La foi », dit tante Rose en souriant. « J’ai découvert la foi. Et la foi a produit l’espérance. Et la foi et l’espérance m’ont donné l’assurance qu’un jour tout aurait un sens, que, grâce au Sauveur, tous les torts seraient redressés. J’ai compris ensuite que le chemin devant moi n’était pas aussi lugubre que je l’avais cru. J’ai remarqué les bleus éclatants, les verts chatoyants, les rouges flamboyants et j’ai décidé que j’avais le choix – je pouvais avancer tête basse et en traînant les pieds sur la route poussiéreuse de l’apitoiement ou je pouvais montrer un peu de foi, mettre une robe de couleur vive, porter mes chaussures de danse et gambader sur le chemin de la vie en chantant. » À présent, sa voix semblait gambader comme pour la petite fille du tableau.

La tante Rose tendit la main vers la petite table à côté d’elle et posa ses Écritures usées sur ses genoux. « Je ne crois pas avoir eu de dépression nerveuse – je ne suis pas sûre qu’on puisse en sortir tout seul. Mais je suis sûre de m’être rendue malheureuse ! Oui, j’ai eu de mauvais jours, mais tout mon apitoiement sur mon sort et mes inquiétudes ne pouvaient rien y changer ; ils ne faisaient qu’aggraver la situation. L’espérance en Jésus m’a appris qu’en dépit du passé, ma vie pouvait avoir une fin heureuse. »

« Comment le sais-tu ? », demanda Eva.

La tante Rose tourna une page de sa Bible et dit : « C’est écrit ici :

‘[Dieu] habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux.

‘Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu4.’ »

La tante Rose regarda Eva. Elle avait un grand sourire et elle murmura, avec un léger tremblement dans la voix : « Est-ce que ce n’est pas la plus belle chose que tu aies jamais entendue ? »

C’était vraiment beau, pensa Eva.

La tante Rose tourna quelques pages et montra à Eva un verset : « Ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l’homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment5. »

« Avec un avenir aussi glorieux, dit la tante Rose, pourquoi se laisser envahir par un passé ou un présent qui ne ressemble pas tout à fait à ce que nous avions prévu ? »

Eva fronça les sourcils et dit : « Attends un peu. Veux-tu dire que, pour être heureux, il suffit d’attendre le bonheur dans l’avenir ? Est-ce que tout notre bonheur est dans l’éternité ? Est-ce qu’il ne peut pas se produire maintenant ? »

« Oh, certainement ! », s’exclama la tante Rose. « Ma chère enfant, le présent fait partie de l’éternité. Celle-ci ne commence pas après notre mort ! La foi et l’espérance t’ouvriront les yeux au bonheur qui t’est offert maintenant.

« Je connais un poème qui dit que ‘l’éternité est composé de “moments présents”6’ et je ne voulais pas que la mienne se compose de ‘moments présents’ tristes et craintifs. Je ne voulais pas vivre dans l’obscurité d’un bunker, en serrant les dents, en fermant les yeux et en en voulant au monde entier jusqu’à la fin. La foi m’a donné l’espérance dont j’avais besoin pour vivre dans la joie maintenant ! »

« Alors qu’as-tu fait ? », demanda Eva.

« J’ai cru aux promesses de Dieu en emplissant ma vie de bonnes choses. J’ai fait des études. Cela m’a menée à faire un métier que j’aimais. »

Eva réfléchit à tout cela un moment et dit : « Mais voyons, ce n’est pas d’être occupée qui t’a rendue heureuse. Il y a beaucoup de gens occupés qui ne sont pas heureux. »

« Comment peux-tu être aussi sage à ton âge ? », demanda la tante Rose. « Tu as tout à fait raison. La plupart des gens très occupés et malheureux ont oublié la chose que Jésus a indiquée comme étant l’essence de son Évangile. »

« Et qu’est-ce que c’est ? », demanda Eva.

« C’est l’amour, l’amour pur du Christ », dit Rose. Tu vois, tout le reste dans l’Évangile, toutes les recommandations et les obligations et les « tu feras » – mènent à l’amour. Quand nous aimons Dieu, nous voulons le servir. Nous voulons lui ressembler. Quand nous aimons notre prochain, nous ne pensons plus autant à nos problèmes, nous l’aidons à résoudre les siens7. »

« Et c’est cela qui nous rend heureux ? », demanda Eva.

La tante Rose hocha la tête et sourit, les yeux pleins de larmes. « Oui, ma chérie. C’est ce qui nous rend heureux. »

Plus jamais la même

Le lendemain, Eva serra dans ses bras la tante Rose et la remercia pour tout. Elle retourna chez elle et retrouva sa famille, ses amis, sa maison et son quartier.

Mais elle n’était plus tout à fait la même.

Au cours des années, elle pensa souvent aux paroles de sa grand-tante Rose. Elle se maria un jour, eut des enfants et une vie longue et heureuse.

Un jour, alors qu’elle admirait dans son salon le tableau représentant une fillette avec une robe de pionnière gambadant sur un chemin bleu vif, elle se rendit compte qu’elle avait l’âge qu’avait sa grand-tante Rose durant cet été mémorable.

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Une petite pionnière qui gambade

À cet instant, elle sentit une prière spéciale monter dans son cœur. Eva était reconnaissante pour sa vie, sa famille, pour l’Évangile de Jésus-Christ rétabli et pour cet été-là, si lointain, où sa grand-tante Rose8 lui avait enseigné l’espérance, la foi et l’amour9.

Une bénédiction

Mes chères sœurs en Christ, je prie pour que quelque chose dans cette histoire ait touché votre cœur et inspiré votre âme. Je sais que Dieu vit et qu’il aime chacune de vous.

Je prie pour que, tandis que vous avancez sur votre chemin lumineux de disciple, l’espérance ouvre vos yeux et que vous voyiez la gloire que notre Père céleste vous réserve, que la foi vous fortifie à chaque pas et que l’amour pour Dieu et tous ses enfants emplisse votre cœur. En tant qu’apôtre du Seigneur, je vous adresse ces paroles et vous donne ma bénédiction, au nom de Jésus-Christ. Amen.

Notes

  1. Voir, par exemple, Matthieu 13:24–30, 18:23–35, 20:1–16, 22:1–14, 25, Luc 10:25–37, 15:11–32.

  2. Voir, par exemple, Thomas S. Monson, « Guidés vers notre foyer en toute sécurité », Le Liahona, novembre 2014, p. 67–69 ; « L’amour, essence de l’Évangile », Le Liahona, mai 2014, p. 91–94 ; « Nous ne marchons jamais seuls », Le Liahona, novembre 2013, p. 121–124 ; « L’obéissance, source de bénédictions », Le Liahona, mai 2013, p. 89–92.

  3. Voir 2 Néphi 2:25.

  4. Apocalypse 21:3–4.

  5. 1 Corinthiens 2:9.

  6. Emily Dickinson, « Forever—is composed of Nows », in Final Harvest : Emily Dickinson’s Poems, sel. Thomas H. Johnson, 1961, p. 158 ; voir aussi poetryfoundation.org/poem/182912.

  7. Voir Luc 9:24.

  8. « Often the prickly thorn produces tender roses » (Ovid, Epistulae ex ponto, livre 2, épître 2, ligne 34 ; « Saepe creat molles aspera spina rosas »).

  9. Voir Moroni 7:42.